Entre l'enfer et le paradis
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Je dois comptabiliser, entre autres, environ 200 plongées
parmi ces animaux craints, majestueux et si bien adaptés
à leur milieu.
A l'Ile Maurice, j'ai encore eu le rpivilège d'observer
leur aisance.
Ainsi, en cette île du milieu de l'Océan Indien,
il existe un spot, comme disent les nouveaux initiés
(pour ma part je préfère le terme de site)
où évoluent d'une façon certaine et permanente
des requins. Le lieu se nomme, à juste titre, la Fosse
aux requins.
Il est situé à moins de 8 milles nautiques (14
kilomètres) au nord de l'Ile Maurice, accroché à
un rocher appelé le Pigeonnier, lui-même proche
d'un îlot au doux nom de L'Île Plate. En immersion
sur la face sud du rocher, entre 8 et 16 mètres de profondeur,
se situe une sorte de puits naturel fait de blocs de pierres,
une fosse quasi cylindrique d'un diamètre approximatif
de 15 mètres. Là y séjournent des requins
évoluant en arabesques. L'IFREMER (Institut Français
de Recherche pour l'Exploitation de la MER) y a effectué
des recherches pour saisir les causes de ce phénomène
et un film fut projeté lors du festival d'Antibes 1999.
Voyant sur les images l'évolution facile de ces poissons
de l'ordre des condochryens, une réalité peut échapper
au spectateur : le courant. En effet, à cet endroit, il
est si important que les plongeurs doivent se maintenir fortement
accrochés aux rochers, voir même s'y bloquer. En
plusieurs plongées, je n'y ai vu qu'un type de requin :
le requin gris (Carcharhinus amblyrhynchos). Une première
fois, quatre jeunes tournaient uniquement dans le sens contraire
des aiguilles d'une montre, tandis qu'à une autre reprise,
dix-neuf individus évoluaient depuis le haut vers le bas,
en un sens circulatoire, mais tout aussi bien de la gauche vers
la droite que le contraire. La population présente cette
fois là présentait aussi bient des adultes que des
jeunes, des mâles que des femelles. Eh oui, parce qu'ils
procèdent par un accouplement en pénétration,
il est aisé de reconnaître les mâles aux ptérygopodes
impressionnants !
A une autre reprise, un banc de carangues à poitrine nue
(Carangoides gymnosthtus) survolait l'ensemble près
de la surface en un mouvement giratoire.
J'ai observé que, lorsque la fosse était remplie
de squales, les carangues désertaient son alentour, pour
revenir dès les requins partis !
Je puis affirmer qu'aucun des requins cotoyés (je me suis
tenu à moins de cinquante centimètres de l'un d'eux)
ne manifesta de comportement agressif. Avec un peu d'expérience,
il est possible de l'apprécier ; l'exhibition de cet animal
se caractérise par l'ascension du museau, la formation
angulaire entre le chondrocrâne et la colonne vertébrale
en résultant, l'abaissement des ailerons pectoraux, la
création d'un arc-boutant du dos et enfin l'incurvation
latérale du corps.
Enfin en ce lieu, j'ai aperçu la tête, large d'environ
une dizaine de centimètres d'un langouste (Palinurus
elephas). Je n'ose vous communiquer l'évaluation que
j'ai entreprise en ce qui concerne son corps, de peur de vous
donner l'au à la bouche !
Ainsi, du moins à l'Ile Maurice, la frontière entre
Enfer et Paradis n'est qu'un mince espace, bien
souvent lié à notre inconscience ou notre irrespect
de la Nature.
J'espère avoir pu dissiper quelques idées reçues
sur le Monde des Requins et vous avoir convaincu de leur
supériorité aquatique et de leur fascination plastique.
Hervé
7 décembre 1999
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